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— Tais-toi ! — dit sévèrement Tchouris ; et avec un sourire rusé, à peine perceptible, qui se dessina sous ses moustaches, il s’adressa au seigneur : — Je ne sais que faire avec elle, avec l’izba, votre Excellence, j’ai mis des étais, des supports, et on ne peut rien faire.

— Comment passerons-nous l’hiver ? Oh ! oh ! — fit la femme.

— Si l’on pouvait mettre des étais, de nouvelles solives — interrompit le mari d’un ton tranquille et entendu — alors peut être pourrait-on y passer l’hiver. On pourrait encore vivre ici, mais il faudrait encombrer toute l’izba d’étais ; voilà, et si on la touche, il n’en restera pas un morceau, elle est comme ça, alors elle tient — conclut-il, visiblement satisfait d’avoir placé cette circonstance.

Nekhludov avait du dépit et de la peine, que Tchouris, en une telle situation, ne se fût pas adressé à lui, alors que, depuis son arrivée, il n’avait jamais rien refusé aux paysans et désirait seulement que tous vinssent le trouver pour lui exposer leurs besoins. Il sentit même une certaine colère contre le paysan, haussa méchamment les épaules et fronça les sourcils. Mais la vue de la misère qui l’entourait, et, au milieu de cette misère, l’air tranquille et satisfait de Tchouris transformèrent son dépit en une tristesse, comme sans issue.

— Mais, Ivan, pourquoi ne m’as-tu pas dit cela