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comme il faut » de ce cercle d’étudiants et m’entraînant dans leur vie, j’y trouvais beaucoup de charme. Seule la parole d’honneur que j’avais donnée à Dmitri de n’aller nulle part faire la noce avec eux, me sauva de la tentation de partager leurs distractions.

Une fois, je voulus me vanter devant eux de mes connaissances en littérature, surtout en littérature française, et j’entamai la conversation sur ce sujet. À mon grand étonnement, il advint que, malgré leur prononciation en russe des titres étrangers, ils avaient lu beaucoup plus que moi, connaissaient et appréciaient les écrivains anglais et même espagnols, Lesage, dont je n’avais jamais entendu parler. Pouschkine et Joukousky, c’était pour eux la littérature, (et non comme pour moi un livre relié en jaune, que j’ai lu et relu dans mon enfance). Ils méprisaient également Dumas, Sue et Féval, et je dois avouer que tous, Zoukhine surtout, jugeaient beaucoup mieux que moi et plus clairement la littérature. Je reconnus aussi qu’en musique je n’avais nul avantage sur eux. À ma grande surprise, Operov jouait du violon ; un autre étudiant qui travaillait avec nous jouait du violoncelle et du piano, et tous deux étaient de l’orchestre de l’Université ; ils connaissaient très bien la musique et savaient apprécier la bonne. En un mot, sauf la prononciation du français et de l’allemand, ils savaient tout ce par quoi je voulais me grandir à leurs yeux, et n’en étaient nullement fiers. Dans ma situation, j’aurais