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de tels yeux que je ne pouvais nullement comprendre ce qu’elle voulait exprimer ainsi. Mais plus tard, lorsqu’elle m’eût dit, dans une conversation, que la seule coquetterie permise aux jeunes filles est celle des yeux, je pus m’expliquer ces grimaces des yeux, étranges et peu naturelles, et qui, il me semble, n’étonnaient nullement les autres. Lubotchka commençait aussi à porter la robe presque longue, de sorte que ses pieds de canard se voyaient à peine, mais elle était toujours aussi pleurnicheuse. Maintenant elle ne rêvait plus d’épouser un hussard, mais un chanteur ou un musicien et dans cette intention elle s’occupait très sérieusement de la musique.

Saint-Jérôme, prévenu qu’il ne resterait à la maison que jusqu’à la fin de mes examens, avait trouvé une place chez un certain comte et depuis lors, nous regardait tous avec dédain. Il était rarement à la maison, commençait à fumer des cigarettes, ce qui était alors le comble de l’élégance, et avec une carte qu’il tenait près des lèvres, sifflotait sans cesse des airs grivois. Mimi, de jour en jour, devenait plus morne, on aurait dit qu’à dater de l’époque où nous commencions à être grands, des personnes et des choses elle n’attendait rien de bon.

Quand je vins pour dîner, je ne trouvai à la salle à manger que Mimi, Katenka, Lubotchka et Saint-Jérôme : papa n’était pas à la maison et Volodia, qui préparait son examen dans sa chambre avec ses