Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/269

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec lui ! » — pensai-je quand le valet apporta le thé et quand Dmitri, demanda cinq fois à Bezobiedov de prendre du thé, parce que celui-ci, timide au premier et au deuxième verre, croyait de son devoir de refuser et de dire : « Prenez vous-même ». Dmitri s’efforcait visiblement d’occuper son hôte par la conversation, dans laquelle il voulut en vain m’entraîner. Je me taisais lugubrement.

« Il n’y a rien à faire, j’ai un tel visage que personne ne peut même soupçonner que je m’ennuie », exprimait la physionomie de Dmitri ; et en silence, je continuais à me balancer sur la chaise. Avec un certain plaisir j’enflammais en moi, de plus en plus, un sentiment de haine sourde envers mon ami. « En voilà un sot — pensai-je — il pourrait passer une agréable soirée avec ses aimables parents ; mais non, il reste avec cet animal, et le temps passe et bientôt il sera trop tard pour aller au salon. » Et du fond de la chaise, je regardais mon ami. Sa main, sa pose, son cou, et surtout sa nuque et ses genoux me semblaient à un tel point insupportables et agaçants à voir, que, avec plaisir, en ce moment je lui aurais fait quelque sottise — même une grande sottise.

Enfin, Bezobiedov se leva ; mais Dmitri ne pouvait laisser partir ainsi un hôte à ce point agréable, et il lui proposa de rester pour coucher, ce que, par bonheur, Bezobiedov n’accepta pas ; et il partit.