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plus et durant toute la route, jusque chez les Kornakov, il demeura silencieux et ennuyé.

J’entrai hardiment chez les Kornakov avec Volodia, mais quand la princesse m’invita à danser, moi qui n’étais venu qu’avec l’intention de danser le plus possible, je répondis, je ne sais pourquoi : « Je ne danse pas ». Je devins taciturne, et resté seul parmi des inconnus, je tombai dans ma timidité ordinaire et toujours croissante. En silence, je demeurai à la même place toute la soirée.

Pendant la valse une des princesses s’approcha de moi et avec l’amabilité « officielle » qui était commune à toute la famille, elle me demanda pourquoi je ne dansais pas ? Je me rappelle combien cette question m’intimida, mais en même temps, contre toute ma volonté, un sourire satisfait éclaira mon visage, et je commençai à prononcer en français et avec des phrases emphatiques, de telles sottises, que même maintenant, après des dizaines d’années, j’ai honte à me les rappeler. C’est sans doute la musique qui agissait ainsi sur moi, qui excitait mes nerfs, et étouffait, comme je le supposais, la partie de ma conversation qui n’était pas tout à fait compréhensible.

Je parlai de la haute société, de la bêtise des hommes et des femmes, et enfin, j’en arrivai au point de m’arrêter au milieu d’un mot, d’une phrase quelconque, qu’il était impossible de terminer.