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tant, mais Lubotchka, elle doit bientôt aller dans le monde ; avec une telle belle-mère, ce ne sera pas très agréable, même elle parle mal le français, et quelles manières peut-elle lui donner ? C’est une poissarde et rien de plus, elle est peut-être bonne, mais quand même c’est une poissarde, — conclut Volodia, évidemment très content de cette épithète de « poissarde ».

Malgré ma surprise, d’entendre Volodia juger si tranquillement le choix de papa, il me sembla qu’il avait raison.

— Pourquoi papa se marie-t-il ? — demandai-je.

— C’est une histoire obscure ; Dieu le sait. Je sais seulement que Piotr Vassilievitch l’exhortait à se marier, qu’il l’exigeait, que papa ne le voulait pas, mais qu’ensuite il lui vint en tête une fantaisie chevaleresque. C’est une histoire obscure. Maintenant je commence à comprendre père, — continua Volodia. (Je fus péniblement affecté de ce qu’il dit père et non papa.) — C’est un homme charmant, bon, intelligent, mais si frivole, si léger ! C’est étonnant, il ne peut pas voir avec sang-froid une femme. Tu sais, il n’y pas de femme qu’il ait connue dont il n’ait été épris. Tu sais, Mimi, aussi.

— Quoi ?

— Je te le dis, j’ai reconnu récemment qu’il avait été amoureux de Mimi quand elle était jeune ; il lui écrivit des vers, il y eut entre eux quelque chose. Mimi en souffre jusqu’à présent.