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cipes très fermes et d’un esprit extraordinairement pratique. À l’aide de petits emprunts, de demandes et de promesses, il parvint à conserver le domaine. Devenu propriétaire rural, Piotr Vassilievitch endossa l’habit de son père, conservé dans le débarras, supprima les chevaux et les équipages, déshabitua les hôtes de venir à Mititschi, augmenta les champs d’exploitation, diminua les terres des paysans, fit couper et vendre les bois, et rétablit les affaires. Piotr Vassilievitch se jura — et il tint parole — de ne pas porter d’autre habit que celui de son père et le pardessus de coutil qu’il s’était fait, de ne pas aller autrement qu’en charrette et avec les chevaux des paysans, tant que toutes les dettes ne seraient pas payées. Il s’efforça d’imposer cette vie stoïque à toute la famille, autant que le lui permettait le respect filial qu’il regardait comme son devoir. Au salon, en bégayant, il s’empressait près de sa mère, prévenait tous ses désirs, grondait les serviteurs quand ils n’obéissaient pas à Anna Dmitrievna, et chez lui, dans son cabinet de travail, il punissait sévèrement pour avoir servi à table, sans son ordre, une dinde, ou pour avoir, sur l’ordre d’Anna Dmitrievna, envoyé un moujik prendre des nouvelles de la santé d’un voisin, ou pour avoir envoyé une paysanne chercher des framboises dans le bosquet, au lieu de la laisser travailler dans le potager.

Au bout de quatre années toutes les dettes étaient payées. Piotr Vassilievitch fit un voyage à Moscou,