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nonçais Be-e-e-ethoven. Derrière toutes ces manigances et cette feinte, comme je me le rappelle maintenant, il y avait cependant en moi quelque chose comme du talent, parce que, souvent, la musique m’impressionnait fortement, jusqu’aux larmes, et que je pouvais, sans musique, retrouver au piano un morceau qui me plaisait, de sorte que si, à cette époque, quelqu’un m’avait appris à considérer la musique comme un but, comme un plaisir indépendant et non comme un moyen de charmer les demoiselles par l’agilité et la sentimentalité de mon jeu, peut-être en effet serais-je devenu un bon musicien.

La lecture des romans français que Volodia avait apportés avec lui en grand nombre, fut ma deuxième occupation, pendant cet été-là. À cette époque venaient de paraître Monte-Christo et divers « Mystères » ; je me plongeai dans les romans de Suë, de Dumas et de Paul de Kock. Les personnages et les événements les plus extraordinaires étaient pour moi comme vivants, comme réels, et non seulement je n’osais pas soupçonner l’auteur de mensonges, mais l’auteur lui-même n’existait pas pour moi, et, dans le livre, je ne voyais que des hommes vivants, des événements réels. Et si je n’avais pas encore rencontré nulle part des personnages comme ceux dont je lisais l’histoire, pas pour une seconde, je ne doutais de les rencontrer.

Je trouvais en moi toutes les passions décrites