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tomber la craie. Je sentais que mon visage et mes mains étaient sales ; l’éponge était perdue quelque part, et le bruit fait par Nikolaï me portait vivement sur les nerfs. Je voulais me fâcher, grogner ; je jetai la craie, l’algèbre, et me mis à marcher dans la chambre. Mais je me souvins que nous devions nous confesser aujourd’hui, et qu’il me fallait abstenir de tout péché ; subitement, revenu à une disposition d’esprit particulière, douce, je m’approchai de Nikolaï.

— Laisse-moi t’aider, Nikolaï, — dis-je en essayant de donner à ma voix l’intonation la plus aimable.

L’idée que j’agissais bien en domptant mon dépit pour obliger Nikolaï, augmentait encore en moi cet état d’esprit bienveillant.

Le mastic était enlevé, les clous redressés, mais Nikolaï avait beau tirer de toutes ses forces, le châssis ne cédait pas.

« En tirant avec lui — pensai-je — si le cadre se détache tout d’un coup, alors ce sera un péché et il ne faudra plus travailler aujourd’hui. »

Le châssis glissa de côté et sortit.

— Où le porter ? — demandai-je.

— Permettez, je m’en arrangerai moi-même — répondit Nikolaï visiblement étonné et même, à ce qu’il me sembla, mécontent de mon zèle : — Il ne faut pas confondre, parce que là-bas, dans le cabinet noir, ils sont numérotés.