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que la pluie menaçait. Le soleil était déjà bas, à droite sous les vieux arbres des jardins de Kountzovo, et la moitié de son disque rouge était couverte de nuages gris faiblement transparents : de l’autre moitié du disque s’échappaient des fragments de rayons enflammés éclairant féeriquement les vieux arbres du jardin qui se détachaient immobiles avec leurs sommets verts et épais, sur la partie du ciel demeurée bleue et claire. L’éclat et la lumière de cette partie du ciel tranchaient nettement sur les lourds nuages violets, massés en face de nous, sur les jeunes bouleaux qu’on apercevait à l’horizon.

Un peu plus à droite, derrière les buissons et les arbres, on apercevait les toits diversement colorés des maisons de campagne, dont quelques-uns reflétaient les rayons brillants du soleil, tandis que d’autres prenaient l’air triste de l’autre partie du ciel. En bas, à gauche, bleuissait un étang immobile entouré de cythises vert pâle qui se reflétaient en noir sur sa surface mate, comme oblique. Derrière l’étang s’étendait une sorte de jachère noire et la ligne droite qui la divisait se prolongeait au loin et s’appuyait dans le sévère horizon de plomb. De chaque côté du chemin uni sur lequel roulait notre phaéton, des jeunes seigles tendres et flexibles commençaient à épier. L’air était tout à fait doux et sentait le frais ; le vert des arbres, des feuilles, des seigles, était immobile et