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— Maman viendra à l’instant, — me dit l’aînée des princesses en s’asseyant plus près de moi.

Pendant un quart d’heure environ, cette princesse m’occupa de sa conversation avec tant d’aisance et d’habileté que l’entretien ne tomba pas une seconde. Mais on voyait trop qu’elle voulait m’occuper, et c’est pourquoi elle me déplut. Elle me raconta, entre autres, que leur frère Stepan, elle disait Étienne, envoyé deux ans auparavant dans une école de sous-officiers, était déjà promu officier. Quand elle parlait de son frère, et surtout de ce qu’il était allé aux hussards contre la volonté de leur mère, elle eut un visage effrayé et les cadettes qui étaient assises en silence, prirent aussi des visages effrayés. En parlant de la mort de grand’mère elle prit aussi un air triste et ses cadettes firent de même ; quand elle rappela comment j’avais frappé Saint-Jérôme, et comment on m’avait fait sortir, elle ricana en montrant de vilaines dents et toutes les princesses ricanèrent et montrèrent de vilaines dents.

La princesse mère entra : c’était la même petite femme maigre, aux yeux fuyants, qui avait l’habitude de se tourner vers les autres lorsqu’elle vous parlait. Elle me prit la main, haussa la sienne jusqu’à mes lèvres pour que je pusse la baiser, ce que je n’eusse pas fait sans cela, n’y trouvant aucune nécessité.

— Que je suis heureuse de vous voir, — dit-elle