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Je restai assez longtemps seul, en cette pièce noire dans laquelle, outre l’entrée du corridor, se trouvait une porte fermée, et je fus surpris de l’aspect sombre de cette maison, en supposant d’ailleurs qu’il en devait être ainsi chez des personnes voyageant à l’étranger. Au bout de cinq minutes, la porte du salon fut ouverte de l’intérieur par le même garçon, qui m’introduisit dans un salon très propre mais modeste, et dans lequel, derrière moi, entra Sonitchka.

Elle avait dix-sept ans. Elle était très petite, très maigre et son teint était jaunâtre, maladif. Au visage, on ne remarquait aucune cicatrice, et les charmants yeux un peu saillants et le sourire franc, gai étaient ceux que je connaissais et que j’aimais dans mon enfance. Je ne m’attendais pas du tout à la voir ainsi ; c’est pourquoi, au premier moment, je ne pus lui adapter le sentiment que j’avais préparé en route. Elle me tendit la main, à la mode anglaise (qui était alors aussi rare que la sonnette), serra cordialement la mienne et me fit asseoir près d’elle sur le divan.

— Ah ! comme je suis heureuse de vous voir, cher Nicolas — me dit-elle en me regardant en face avec une telle expression de joie sincère, que de ces paroles : cher Nicolas, je ne retins que le ton amical et non ce qu’elles avaient de protecteur. À mon étonnement, après le voyage à l’étranger, elle était encore plus simple, plus charmante