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En effet, la science strictement intellectuelle qui, comme l’a fait Descartes, commence par le doute absolu de tout, qui rejette tout savoir basé sur la foi et reconstruit tout sur les lois de la raison et de l’expérience, ne peut donner d’autre réponse à la question de la vie que celle que j’obtins, réponse vague, indéfinie.

Au commencement, il m’avait semblé que la science donnait une réponse positive, — la réponse de Schopenhauer : la vie n’a pas de sens, elle est un mal. Mais en y réfléchissant bien, je compris que la réponse n’était pas positive, que c’était mon sentiment seul qui l’avait formulée ainsi. La réponse nettement exprimée, comme elle l’est par les Brahmines, par Salomon, par Schopenhauer, n’est qu’une réponse indéfinie, une identité : 0 = 0 ; la vie est une nullité. Ainsi la science philosophique ne nie rien, elle répond seulement qu’elle ne peut résoudre cette question, dont la solution reste pour elle indéfinie.

Ayant compris qu’on ne peut pas chercher la réponse à ma question dans la science raisonnée, et que la réponse donnée par cette science indique seulement que la réponse ne peut être obtenue qu’en posant autrement la question, c’est-à-dire quand le rapport entre le fini et l’infini sera introduit dans la question, je compris aussi que si déraisonnables et stupides que soient les réponses données par la foi, elles ont pour elles cet