Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol19.djvu/77

Cette page a été validée par deux contributeurs.


VIII

Maintenant je suis en état d’exposer plus ou moins logiquement tous ces doutes, mais alors je n’aurais pu le faire. Je sentais seulement que malgré toute la logique et la certitude de mes conclusions sur la vanité du monde, confirmées par les plus grands penseurs, il y manquait quelque chose. Était-ce dans le raisonnement même, dans la forme de la question ? Je ne le savais pas. Mais je sentais que ma conviction raisonnable, toute parfaite qu’elle fût, ne suffisait pas. Toutes ces conclusions ne pouvaient me convaincre assez pour m’amener à faire ce qui ressortait de mes raisonnements, c’est-à-dire à me tuer. Et je mentirais si je disais que la raison seule m’empêcha de me tuer. Mon esprit travaillait, mais il y avait encore autre chose qui travaillait, quelque chose que je ne puis appeler autrement que la conscience de la vie. C’était