Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol19.djvu/75

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sentent très bien, tous savent ce qu’ils font, et toi, tu t’ennuies, tu trouves tout cela misérable ; alors, va-t’en !

En effet, que sommes-nous, si, persuadés de la nécessité du suicide, nous n’avons pas le courage de l’accomplir ? Que sommes-nous, sinon les gens les plus faibles, les plus inconséquents et, tout simplement, les plus stupides, qui affichent leur stupidité, comme un clown son toupet ?

Notre sagesse, quelque indéniable qu’elle soit, ne nous a pas donné de connaître le sens de notre vie ; tandis que toute l’humanité qui fait la vie, des millions d’êtres, ne doutent pas de son sens.

En vérité, depuis ces temps lointains que la vie, dont je sais quelque chose, existe, il se trouva des hommes connaissant ce raisonnement de la vanité de la vie, qui m’avait amené à la trouver absurde. Ils ont vécu, cependant, attribuant à la vie un sens quelconque.

Dès que la vie se manifesta chez les hommes, ils en ont compris le sens, et ont amené cette vie jusqu’à moi. Tout ce qu’il y a en moi et autour de moi, corporel ou spirituel, tout est le fruit de leur science de la vie.

Ces mêmes instruments de la pensée, à l’aide desquels j’analyse cette vie et la critique, tout cela est fait par eux et non par moi. Moi-même je suis né, j’ai été élevé, j’ai grandi, grâce à eux. Ce sont eux qui ont extrait le fer, qui ont coupé le bois,