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VI

Tandis que je cherchais la réponse à la question de la vie, j’éprouvais exactement le sentiment qu’éprouve l’homme qui s’est égaré dans une forêt. Il débouche sur une clairière, grimpe sur un arbre, aperçoit très distinctement des espaces infinis, mais se rend compte qu’il n’y a point de maisons, qu’il ne peut y en avoir. Il s’enfonce dans les fourrés, où il n’y a que les ténèbres, sans nul abri.

J’errai ainsi dans la forêt des sciences humaines, parmi les lueurs des sciences mathématiques et expérimentales qui me découvraient des horizons éclairés, mais où ne se trouvait aucun refuge, et dans les ténèbres des sciences spéculatives, qui devenaient de plus en plus épaisses au fur et à mesure que je m’y enfonçais, jusqu’à ce que je fusse enfin convaincu qu’il n’y avait pas d’issue et qu’il n’en pouvait être.