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trop de souci, pensait-il. Dès qu’une terre est bonne, le paysan accourt et la prend ; et je n’arrive pas à temps, je n’ai plus où semer. » Une autre fois il avait affermé un champ à des paysans, il l’avait déjà labouré, quand les paysans réclamèrent en justice, et tout son travail fut perdu : « Si j’avais de la terre à moi, je ne m’inclinerais devant personne, et tout irait bien. » Pakhom cherche où l’on peut acheter de la terre à perpétuité. Il trouve un paysan : le paysan avait cinq cents déciatines, il s’est ruiné et vend à bas prix. Pakhom se met en rapport avec lui, discute, discute ; ils finissent par tomber d’accord pour quinze cents roubles, dont la moitié au comptant et le reste à échéances. L’affaire était entendue, lorsqu’un jour, un passant, un marchand, s’arrêta chez Pakhom pour faire manger ses chevaux. On but du thé, on causa. Le marchand raconta qu’il venait de chez les Baschkirs. Il disait avoir acheté là cinq mille déciatines de terre, pour mille roubles seulement. Pakhom questionnait, le marchand répondait :

— Je n’ai eu besoin que de graisser la patte aux anciens : je leur ai fait cadeau de robes, de tapis, pour une centaine de roubles, d’une caisse de thé, et j’ai offert à boire à tire-larigot. Et j’ai acheté à vingt kopeks la déciatine.

Il montra l’acte de vente et poursuivit :

— La terre est située près d’une petite rivière, et partout y pousse la stipe plumeuse.