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homme, avec une seule béquille. Le tzar lui montra le grain. Le vieux voyait encore très bien ; il examina le grain.

Le tzar l’interrogea :

— Dis-moi, petit vieillard, ne saurais-tu point où a pu pousser un grain pareil ? Toi-même n’en aurais-tu point semé de semblables ou durant ta vie, acheté quelque part ?

Le vieillard avait l’oreille dure ; cependant il entendait mieux que son fils :

— Non, dit-il, je n’ai jamais semé ni moissonné, non plus qu’acheté de seigle pareil. De mon temps l’argent n’existait même pas : chacun mangeait son propre pain, et si quelqu’un en manquait, les autres lui en donnaient. Je ne sais pas où a pu pousser un pareil grain. Quoique de mon temps le seigle fût plus grand qu’aujourd’hui, je n’en ai jamais vu d’aussi gros. Mais j’ai entendu dire à mon père que de son temps le seigle était plus beau et le grain plus gros ; il faudrait l’interroger.

Le tzar envoya chercher le père du vieillard. On le trouva aussi et on l’amena devant le tzar.

Le vieillard entra chez le tzar sans béquille, le jarret ferme, l’œil lucide, l’ouïe saine et la voix claire. Le tzar lui montra le grain. Le vieux, après l’avoir regardé et examiné, dit :

— Il y a longtemps que je n’avais vu du seigle d’autrefois.