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boivent un troisième verre, ils seront comme des porcs. »

Les paysans ont bu le troisième verre, et sont devenus tout à fait ivres. Ils baragouinent et crient sans savoir eux-mêmes quoi, et ne s’écoutant plus les uns les autres. Ils se séparent ; les uns s’en vont seuls, les autres par groupes de deux ou trois. Tous tombent dans les rues. L’hôte est sorti accompagné de ses invités et tombe le nez dans la mare, se salit et grogne comme un porc.

Cela plut encore au grand chef : — « Eh bien ! dit-il, tu as inventé un bon breuvage, tu as gagné ton morceau de pain. Dis-moi comment tu as composé cette boisson. Tu as dû y mettre du sang de renard, c’est ce qui a rendu le paysan rusé comme un renard ; puis du sang de loup, ce qui l’a rendu méchant comme un loup, et du sang de porc, ce qui l’a rendu comme un porc ? »

— « Non, répondit le diablotin. Ce n’est pas ce que j’ai fait. Je n’ai fait que de lui donner trop de blé. Ce sang bestial est toujours en lui, mais il ne peut se manifester quand il y a juste ce qu’il faut de blé pour se nourrir. Alors il n’hésite même pas à partager le dernier morceau de pain. Mais quand il a eu trop de blé, alors il s’est demandé comment se mieux amuser. Et je lui ai trouvé un divertissement : boire de l’eau-de-vie. Et quand, pour son amusement, il se mit à transformer le blé en alcool, aussitôt circula en lui le sang du renard, du loup, du