quoi je ferais tout cela. Tant que je ne saurais pas
pourquoi, je ne pourrais rien faire, je ne pourrais
pas vivre. Au milieu de mes idées sur l’organisation
de mes affaires, qui me préoccupaient beaucoup
à cette époque, tout d’un coup il me venait en
tête cette question : « Eh bien ! tu auras six mille
déciatines dans le gouvernement de Samara, trois
cents chevaux. Et après ? » Et j’étais tout à fait déconcerté
et ne savais plus que penser. Ou bien, dès
que je commençais à réfléchir à la manière d’élever
les enfants, je me disais : « Pourquoi ? » Ou quand
je me demandais comment le peuple pourrait arriver
au bien-être, tout à coup je me disais : « Et
qu’est-ce que cela me fait ? » Ou quand je pensais à
cette gloire que me valaient mes ouvrages, je me
disais : « Eh bien ! tu seras plus célèbre que Gogol,
Pouschkine, Shakespeare, Molière, que tous les
écrivains du monde ; et après ? » Et je ne pouvais
rien répondre, rien.
Les questions n’attendent pas, il faut y répondre tout de suite. Si l’on ne répond pas, on ne peut pas vivre. Et de réponse, point. Je sentis que le sol sur lequel je me tenais debout se dérobait, qu’il n’y avait plus rien où je pusse me retenir, que ce dont je vivais n’était plus, et que je n’avais rien pour le remplacer.