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et faisaient du koumiss, du beurre et du fromage.

Ilias possédait de tout en abondance, et les gens du pays l’enviaient.

Ils disaient : « Est-il heureux, cet Ilias ! Il a des biens à n’en savoir que faire ; il n’a pas besoin de mourir ! »

Les bonnes gens recherchaient son amitié, et l’on venait le voir de bien loin. Ilias recevait chacun, et donnait à chacun de quoi boire et manger. À quiconque venait, Ilias faisait servir du koumiss, du thé, du mouton. Dès qu’un visiteur arrivait, on tuait un mouton ou deux ; s’il en venait plusieurs, on tuait une jument.

Il avait deux fils et une fille. Il les maria tous les trois. Ses fils, du temps qu’il était pauvre, l’aidaient et même gardaient les troupeaux de moutons ou de chevaux. Mais quand ils furent devenus riches, les deux garçons commencèrent à mal tourner ; l’un d’eux se mit à boire. L’aîné fut tué dans une rixe. Le cadet, ayant épousé une femme orgueilleuse, cessa d’écouter son père. Ilias fut obligé de se séparer de lui. Il lui donna une maison et du bétail, ce qui diminua d’autant la richesse d’Ilias. Bientôt après, une épidémie s’abattit sur ses moutons, et en fit périr un grand nombre. Ensuite il y eut une année de disette, les prairies ne donnèrent pas de foin, et il mourut beaucoup de bétail pendant l’hiver. Puis les Kirghis s’emparèrent d’une bonne partie de sa terre. Ainsi le bien d’Ilias allait