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ce qu’il devra faire : où il faudra semer, où mettre le fumier, comment finir l’izba et la couvrir. Il songe à tout, il règle tout d’avance. Elisée dit seulement à sa vieille de mettre à part, pour les donner au voisin, honnêtement, les jeunes abeilles des ruches vendues. Quant aux affaires de la maison, il n’en parle pas. « Chaque chose amène sa solution. Vous êtes assez grands ; vous saurez faire pour le mieux. »

Les vieillards étaient prêts. On leur fit des galettes, on leur confectionna des sacs, on leur tailla des bandelettes neuves ; ils mirent des chaussures neuves, prirent encore une paire de lapti de rechange, et ils partirent.

Leurs parents les accompagnèrent jusqu’à la sortie du village, leur firent leurs adieux ; et les vieillards se mirent en route.

Elisée avait gardé sa bonne humeur : aussitôt hors du village, il oublia tous ses soucis. Il n’a qu’une pensée : être agréable à son compagnon, ne pas laisser échapper un mot pouvant le blesser ; aller en paix et en bonne union jusqu’au terme du voyage et revenir à la maison. Tout en marchant, il murmure quelques prières, ou ce qu’il se rappelle de la vie des saints. S’il rencontre un passant sur la route, ou quand il arrive quelque part pour la nuit, il s’efforce toujours d’être aimable avec tout le monde, et de dire à chacun un mot agréable. Il marche et se réjouit. Une seule chose n’a pu lui