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possédait trois chevaux avec un poulain, une vache et son veau, et quinze brebis. Les femmes confectionnaient elles-mêmes les chaussettes et les vêtements des paysans et travaillaient dans les champs. Les paysans faisaient leur besogne. La huche contenait plus de pain qu’il n’en fallait pour attendre la nouvelle fournée. L’avoine suffisait pour payer tous les impôts et subvenir à tous les besoins du ménage.

Ivan n’avait donc qu’à se laisser vivre ainsi avec ses enfants.

Malheureusement il avait pour voisin Gavrilo, le boiteux, fils de Gordéï Ivanov, et la haine vint se mettre entre eux.

Du vivant du vieux Gordéï, quand le père d’Ivan dirigeait la maison, les paysans vivaient en bonne intelligence. Les femmes avaient-elles besoin d’un balai, ou d’un baquet, les hommes d’un balin, d’une roue de rechange, on l’envoyait chercher d’une izba à l’autre ; on se rendait mutuellement service, en bons voisins. Si un petit veau courait sur l’aire, on se contentait de le chasser en disant : « Ne le laisse pas venir chez nous, car nos gerbes ne sont pas en meules. » Quant à le cacher, ou l’enfermer dans l’aire, dans le hangar, ou à médire les uns des autres, cela n’était jamais arrivé.

Il en allait ainsi au temps des vieux. Mais quand les jeunes prirent la direction du ménage, les rapports changèrent.