Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol19.djvu/132

Cette page a été validée par deux contributeurs.

La partie inférieure de mon corps reste pendante ; mes pieds n’atteignent pas le sol. Je ne suis soutenu que par le haut du dos, et non seulement cette position est incommode, mais je commence à avoir peur. C’est alors que je me demande ce à quoi, auparavant, je ne songeais pas. Je me demande : Où suis-je et sur quoi suis-je couché ? Je regarde autour de moi, et surtout en bas, où mon corps est suspendu et où je sens que je vais tomber bientôt. Je regarde en bas et ne puis en croire mes yeux. Je suis sur une hauteur, non seulement sur une hauteur pareille à la plus haute tour ou à la montagne la plus élevée, mais je suis sur une hauteur que je n’aurais jamais pu imaginer.

Je ne puis même me rendre compte si véritablement je vois quelque chose, en bas, dans ce précipice sans fond au-dessus duquel je suis suspendu et qui m’attire. Mon cœur se serre, la terreur m’envahit. C’est effrayant de regarder en bas. Je sens que si je regardais je glisserais tout de suite de la dernière sangle et périrais. Je ne regarde pas. Mais ne pas regarder est pire encore, car je pense à ce qui m’arrivera, à l’instant, quand je glisserai de la dernière sangle. Et je sens, dans mon effroi, que je perds mon dernier appui et que, lentement, je glisse sur le dos, de plus en plus bas. Encore un mouvement, et rien ne me retiendra plus !…

Et voici ce qui me vient en tête : Non, il est impossible que ce soit vrai. C’est un rêve. Éveille-toi.