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et pour vivre selon Dieu il faut renoncer à tous les plaisirs de la vie, travailler, s’humilier, souffrir, être bon. Ce sens-là, le peuple le puise dans la foi, qui lui a été transmise par les prêtres et par les traditions que garde le peuple. Ce sens m’était clair et était cher à mon cœur. Mais à ce sens de la foi, chez notre peuple non schismatique, au milieu duquel je vivais, se trouvaient liées indissolublement bien des choses qui me choquaient et me paraissaient inexplicables : les sacrements, les cérémonies religieuses, les carêmes, l’adoration des reliques et des icônes.

Le peuple ne peut séparer l’une de l’autre toutes ces choses, et moi, je ne le pouvais non plus. Quelque étrange que fût pour moi une bonne partie de ce qui constituait la religion du peuple, j’acceptai tout : je suivis les offices, je fis ma prière le matin et le soir, je jeûnai, je fis mes dévotions, et, au commencement, mon intelligence ne s’y opposa pas. Ce qui, auparavant, me semblait impossible, n’excitait plus en moi aucune résistance. Ma façon d’envisager la foi était maintenant bien différente de ce qu’elle était autrefois. Avant, la vie elle-même me paraissait pleine de sens, et la foi, une affirmation arbitraire de quelques arguments complètement inutiles, déraisonnables et indépendants de la vie. Je m’étais demandé alors quel était le sens de ces arguments, puis, ayant acquis la conviction qu’ils n’en avaient pas, je les avais rejetés. Mainte-