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dissimuler que quelqu’un d’aimant m’a engendré. Qui est-ce donc, ce quelqu’un ? Encore Dieu.

« Il connaît et voit mes efforts, mon désespoir, ma lutte. Il existe », me disais-je. Et dès que je reconnaissais cela, la vie se soulevait en moi, et je sentais la possibilité et la joie de l’existence. Mais, de nouveau, de l’aveu de la reconnaissance de Dieu, je passais à la recherche de mon rapport envers lui, et, de nouveau, ce Dieu se présentait à moi comme le Dieu Créateur en trois personnes, qui a envoyé son fils — le Rédempteur. Et, de nouveau, ce Dieu, séparé de l’univers, de moi, fondait comme une glace. À mes yeux, rien ne restait plus, et, derechef, la source de la vie se desséchait. Je retombais dans le désespoir ; je sentais que je n’avais plus qu’à me tuer, et, le pire, c’est que je me sentais absolument incapable de le faire.

Non pas deux ou trois fois, mais des centaines de fois, je passai ainsi d’un accès de joie et d’animation au désespoir et au sentiment de ne pouvoir vivre.

Je me rappelle qu’un jour de printemps précoce, j’étais seul dans la forêt, écoutant ses bruits. Je prêtais l’oreille, et ma pensée, comme toujours, se reportait à ce qui l’occupait sans cesse, depuis ces trois dernières années. De nouveau je cherchais Dieu.

« Bon, me disais-je, il n’y a aucun Dieu qui ne soit une représentation au lieu d’être une réalité,