Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol18.djvu/95

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mot chez un autre médecin, lui-même se rendrait à la pharmacie prendre l’opium, et si, à son retour, le docteur n’était pas encore levé, alors par l’argent ou par la force il obligerait le valet à éveiller son maître.

Dans la pharmacie, un aide, maigre, avec autant d’indifférence que le valet nettoyant le verre de lampe, faisait un cachet pour un cocher qui attendait ; il refusa de donner de l’opium. S’efforçant de rester calme, Lévine donna le nom du médecin, de la sage-femme, lui expliqua pourquoi il désirait de l’opium, et le pria de lui en donner. L’aide pharmacien demanda en allemand s’il fallait en délivrer ou non, et, en ayant reçu l’autorisation de l’autre pièce, il prit un flacon, lentement versa le liquide dans une petite fiole, y posa une étiquette, et le cacheta malgré les supplications de Lévine qui lui disait que c’était inutile. Il voulait même l’envelopper, mais cette fois Lévine ne le laissa pas faire. Résolument il lui prit des mains la fiole et sortit…

De retour chez le médecin, celui-ci n’était pas encore levé, et le valet, occupé maintenant des tapis, refusait de l’éveiller.

Lévine, sans se hâter, tira de sa poche un billet de dix roubles, et lentement, mais sans perdre de temps, le tendit au domestique, lui expliquant que Pierre Dmitritch (ce Pierre Dmitritch qui, autrefois, paraissait à Lévine si peu de chose, maintenant revêtait à ses yeux une grande importance)