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« Oui, c’est elle ! » se dit-il ; et se prenant la tête à deux mains, il courut en bas.

« Seigneur Dieu, ayez pitié de nous ! Seigneur ayez pitié ! » Il répétait ces mots qui, tout d’un coup, lui étaient venus en tête. Et lui, cet incrédule, ne répétait pas ces paroles uniquement des lèvres. En ce moment, il savait que tous ses doutes et cette impossibilité de croire qu’il ressentait ne l’empêchaient nullement de s’adresser à Dieu. Maintenant tout cela, comme une poussière, tombait de son âme. À qui donc pouvait-il s’adresser, sinon à Celui entre les mains de qui il sentait son âme et son amour ?

Le cheval n’était pas encore attelé ; mais sentant ses forces physiques se décupler en même temps que son désir de faire ce qu’il fallait, pour ne pas perdre un seul instant, sans attendre la voiture, il sortit à pied et ordonna à Kouzma de le rejoindre.

Au coin de la rue il croisa un attelage de nuit qui se hâtait. Dans le petit traîneau était assise Élisabeth Petrovna, en manteau de velours, emmitouflée de châles. « Grâce à Dieu ! Grâce à Dieu ! » prononça-t-il en la reconnaissant avec joie. Sans même faire arrêter le cocher, il courut à côté du traîneau.

— Alors c’est commencé depuis deux heures, pas plus ? Allez chez Pierre Dmitritch, mais ne le pressez pas et prenez de l’opium à la pharmacie.

— Ainsi, vous pensez que tout ira bien ?