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En s’y rendant Lévine se remémora rapidement toute sa journée. Tous les événements du jour se résumaient en conversations qu’il avait écoutées, et auxquelles il avait pris part ; et toutes portaient sur des sujets dont il ne se fût point occupé, s’il eût été seul à la campagne. Cependant, elles étaient intéressantes, même toutes étaient très bonnes. Il n’y avait que deux anicroches : ce qu’il avait dit du brochet, et puis encore quelque chose qui n’était pas ça dans la sympathie qu’il éprouvait pour Anna.

Lévine trouva sa femme triste et ennuyée. Le dîner des trois sœurs avait été très gai, mais ensuite on l’avait attendu, attendu, et tout le monde s’était assombri ; enfin les sœurs étaient parties laissant Kitty seule.

— Et toi, qu’as tu fait ? lui demanda-t-elle, le regardant droit dans ses yeux qui brillaient d’un éclat inquiétant. Mais pour ne pas l’empêcher de tout dire, elle dissimula son attention et, avec un sourire approbateur, écouta le récit de sa soirée.

— J’ai été très heureux de rencontrer Vronskï. Je me suis senti très à l’aise devant lui ; j’ai été très simple. Tu comprends que désormais je ferai mon possible pour l’éviter, mais je suis très heureux que le malaise soit passé, dit-il, et se rappelant que, pour l’éviter, il était allé aussitôt chez Anna, il rougit… Voilà, nous disons que le peuple boit, je ne sais qui boit davantage du peuple ou de notre so-