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palier, quand il vit devant la porte le troisième suisse qu’il connaissait, qui sans hâte ni lenteur ouvrait la porte et regardait le nouvel arrivant, Lévine retrouva l’ancienne impression du club, une impression de bien-être et de bonne compagnie.

— Donnez-moi, s’il vous plaît, votre chapeau, dit le suisse à Lévine, qui avait oublié l’obligation de laisser son chapeau dans l’antichambre. Il y a longtemps que vous n’êtes venu. Le prince vous a inscrit hier. Le prince Stépan Arkadiévitch n’est pas encore arrivé.

Le suisse connaissait non seulement Lévine, mais ses parents et ses amis, et il lui parlait aussitôt de toutes les personnes de sa connaissance.

Traversant le premier salon, où un paravent fermait une salle, à droite, dans laquelle était assis, sur un banc, l’homme qui vendait des fruits, et dépassant un vieillard à la marche trop lente, Lévine entra dans la salle à manger pleine de monde et où se faisait un grand bruit. Il circula autour des tables, presque toutes occupées, regardant les convives. Parmi ceux-ci il rencontrait, de-çà, de-là, les gens les plus divers, jeunes et vieux, des intimes ou de simples connaissances. On ne voyait pas un seul visage mécontent ou soucieux, tous semblaient avoir laissé chez le suisse, avec leurs chapeaux, leurs ennuis et leurs inquiétudes, pour jouir tranquillement des biens matériels de la vie.