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qu’il oublia tout cela momentanément et se transporta dans son état d’esprit du matin. Il ne se rappelait plus, comme auparavant, toute la marche de sa pensée (ce n’était pas nécessaire). Il se transporta d’un coup dans ce sentiment qui le guidait, qui était lié avec ses pensées, et il trouvait dans son âme ce sentiment encore plus fort et plus net qu’auparavant. Maintenant, il ne ressentait plus ce qu’il avait éprouvé jadis, quand il inventait des consolations pour trouver le vrai sentiment. Maintenant, au contraire, le sentiment de la joie et de la tranquillité était plus vivant qu’auparavant, et la pensée ne parvenait pas à le suivre.

Il traversa la terrasse et regarda deux étoiles qui paraissaient sur le ciel déjà sombre. Soudain, il se souvint : « Oui, en regardant le ciel, j’ai pensé que la voûte que je vois n’est pas le mensonge, et je n’ai pas achevé ma pensée ; je me suis caché quelque chose… », pensa-t-il. « Mais quoi qu’il en soit, il ne peut y avoir d’objection. Il faut réfléchir et tout s’expliquera ! »

Comme il entrait dans la chambre d’enfants, il se rappela ce qu’il cachait de lui-même. C’était cette pensée : si la preuve principale de la divinité réside dans la révélation de ce qui est bien, alors pourquoi cette révélation se borne-t-elle à l’église chrétienne seule ? Quel rapport cette révélation a-t-elle avec les croyances des Bouddhistes, des Mahométans, qui confessent et font aussi le bien ?