Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol18.djvu/292

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

seul chrétien, ne doit prendre sur soi la responsabilité de la commencer. Le gouvernement seul le peut, s’il y est provoqué, s’il y est amené inévitablement. D’autre part, d’après la science et le bon sens, dans les affaires d’État, surtout dans la guerre, les citoyens abdiquent leur volonté personnelle…

Serge Ivanovitch et Katavassov, ayant des objections toutes prêtes, se mirent à parler en même temps.

— C’est précisément là le hic, mon cher. Que faire quand le gouvernement ne remplit pas la volonté des citoyens, alors c’est la société qui déclare sa volonté ? dit Katavassov.

Serge Ivanovitch, évidemment, n’approuvait pas cette objection. Aux paroles de Katavassov il fronça les sourcils et prit la question d’un autre côté.

— C’est en vain que tu poses la question ainsi. Ici il n’y a pas déclaration de guerre mais tout simplement l’expression du sentiment humain, chrétien. On tue nos frères, nos coreligionnaires. Eh bien, admettons même que ce ne soient pas des frères, pas des coreligionnaires, mais tout simplement des enfants, des femmes, des vieillards, le sentiment se révolte, les Russes accourent pour leur venir en aide et faire cesser ces horreurs. Imagine-toi que dans la rue tu voies un homme ivre frapper une femme ou un enfant, je pense que tu ne demanderas pas si la guerre est déclarée ou non, tu te jetteras sur lui et défendras la victime.