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cette année. Devant les ruches bourdonnaient des abeilles, des mâles qui tournoyaient sur place et, parmi eux, des ouvrières, qui allaient et venaient, apportant du miel.

À l’oreille résonnaient sans cesse divers sons émis tantôt par les abeilles occupées de quelque chose et volant rapidement, tantôt par les mâles oisifs, tantôt par les abeilles gardiennes troublées, qui défendaient leur fortune contre l’ennemi, prêtes à piquer.

De l’autre côté de l’enclos, un vieillard menuisait. Il n’avait pas vu Lévine. Celui-ci sans l’appeler s’arrêta au milieu des ruches.

Il était content de l’occasion de rester seul pour se remettre de la réalité qui déjà avait eu le temps d’obscurcir son état d’âme. Il se rappela qu’il avait réussi à se fâcher contre Ivan, à battre froid à son frère, à causer légèrement avec Katavassov.

« N’était-ce que l’impression d’une minute destinée à passer sans laisser de trace ? Mais au même moment, il retrouva son état d’âme et sentit avec joie qu’en lui s’accomplissait quelque chose de nouveau, d’important. La réalité n’avait voilé cette quiétude d’âme que momentanément et elle était intacte en lui.

De même que les abeilles qui tournoyaient autour de lui, le menaçant et le distrayant, le privaient du calme physique, le forçaient de se garder, de même les soucis, l’assaillant au moment où il