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lait, etc., est-ce qu’ils s’amuseraient ? Ils mourraient de faim. Laissez-nous avec nos passions, nos pensées, sans la conception d’un Dieu unique et créateur, ou sans l’idée de ce qui est bien, sans explication du mal. Construisez quelque chose sans ces conceptions… Nous ne faisons que détruire parce que, moralement, nous sommes rassasiés, précisément comme les enfants !

« D’où me vient cette connaissance joyeuse qui m’est commune avec les paysans, qui seule me donne le calme de l’âme ?

« D’où me vient-elle ?

« Moi, qui ai été élevé dans l’idée de Dieu, élevé en chrétien, moi dont la vie est pleine de ces biens moraux que le christianisme m’a donnés, qui vis de ces biens, comme les enfants, sans le comprendre, je les détruis, c’est-à-dire que je veux détruire ce qui fait ma vie. Et aussitôt qu’arrive un moment important de la vie, comme les enfants quand ils ont froid et faim, je vais à lui, et encore, comme les enfants que les mères réprimandent pour leur méfaits, je sens que mes tentatives d’enfant ne me comptent pas.

« Oui, ce que je sais, je ne le sais pas par la raison. Cela m’est donné, révélé ; je le sais par le cœur, par la foi en ces vérités essentielles que l’Église enseigne.

« L’Église ! l’Église ! » se répéta Lévine. Il se retourna de l’autre côté et, appuyé sur les bras, se