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XII

Lévine marchait à grands pas sur la grand’route, suivant ses pensées (il ne pouvait encore les bien analyser) et dans un état d’âme qui, jusqu’alors, n’avait jamais été le sien.

Les paroles prononcées par le paysan avaient été pour son âme l’étincelle électrique transformant et unissant d’un coup la série des pensées faibles et détachées qui toujours l’avaient préoccupé, et qui, inconsciemment pour lui, le tourmentaient au moment même où il parlait de l’affermage de la terre. Il ressentait dans son âme quelque chose de nouveau et il l’examinait avec plaisir, ne sachant pas encore ce que c’était.

« Il ne faut pas vivre pour ses propres besoins, mais pour Dieu… Pour quel Dieu ! Et que peut-on dire de plus stupide que ce qu’il dit ? Il dit qu’il ne faut pas vivre pour ses besoins, c’est-à-dire qu’il