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non par le raisonnement mais par tout son être, qu’il est nu et qu’infailliblement il mourra de froid.

Depuis ce moment, bien que ne s’en rendant pas compte et continuant à vivre comme auparavant, Lévine ne cessait de ressentir cette crainte de son ignorance. En outre, il percevait vaguement que ce qu’il appelait ses convictions était non seulement de l’ignorance mais une orientation de la pensée telle qu’elle lui rendait impossible l’acquisition des connaissances qui lui étaient nécessaires.

Les premiers temps de son mariage, les nouvelles joies et les nouveaux devoirs étouffèrent complètement ces pensées. Mais après les couches de sa femme, quand il vécut à Moscou dans l’oisiveté, une pensée, résolvant la question, se présentait à Lévine de plus en plus fréquemment et avec une ténacité de plus en plus grande.

C’était celle-ci : « Si je n’admets pas la réponse que donne le christianisme aux questions de ma vie, quelles réponses admettrai-je ? » Et dans tout l’arsenal de ses convictions, il ne trouvait pas même un semblant de réponse.

Il était dans la situation d’un homme qui viendrait chercher de quoi manger dans un magasin de jouets ou d’armes.

Malgré lui, inconsciemment, dans chaque livre, dans chaque conversation, dans chaque individu, il cherchait maintenant un rapport quelconque avec ces questions et leur solution.