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VIII

Depuis qu’à la vue de son frère aimé agonisant Lévine avait envisagé pour la première fois les questions de la vie et de la mort à travers ce qu’il appelait ses nouvelles convictions, qui, imperceptiblement pour lui, dans la période de vingt à trente-quatre ans, avaient remplacé ses croyances d’enfant et d’adolescent, il était horrifié moins devant la mort que devant la vie. En effet, il ignorait d’où elle vient, quel est son but et ce qu’elle est. L’organisme, sa destruction, l’éternité de la matière, la loi de la conservation de l’énergie, le développement, tels étaient les mots qui remplaçaient sa foi ancienne. Ces mots et les idées qui s’y rattachaient étaient excellents pour un but intellectuel mais pour la vie ils ne donnaient rien. Lévine se sentait donc dans la situation d’un homme qui a changé sa pelisse chaude contre un vêtement de mousseline et qui, à la première gelée, s’aperçoit,