Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol18.djvu/24

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Dis au cocher d’amener une paire de chevaux pour notre voiture, répondit-il.

— Bien, monsieur.

Ayant résolu si aisément, grâce aux commodités de la ville, une difficulté qui, à la campagne, aurait causé tant de tracas et d’ennuis, Lévine descendit le perron, appela un cocher, monta en voiture et se fit conduire rue Niktzkaia.

En route il ne pensait plus à l’argent ; il se demandait comment aurait lieu l’entrevue avec le savant Pétersbourgeois, qui s’occupait de sociologie, et comment il lui parlerait de son livre. Les premiers temps de leur arrivée à Moscou, ces dépenses étranges pour un habitant de la campagne, ces dépenses inutiles mais inévitables qu’on exigeait de lui de tous côtés, avaient étonné Lévine. Maintenant il y était habitué. Avec lui, sous ce rapport, il arriva ce que, dit-on, arrive aux ivrognes : « le premier verre entre avec difficulté, comme une perche ; après le second on se sent courageux ; après le troisième on ne compte plus. »[1] Quand Lévine avait changé le premier billet de 100 roubles pour payer les livrées du valet et du portier, il avait pensé malgré lui que ces livrées n’étaient utiles à personne, — cependant, à en juger par l’étonnement de la princesse et de Kitty lorsqu’il émit l’opinion qu’on pouvait se passer de

  1. Dicton russe populaire.