Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol18.djvu/222

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

listes sans journaux, des chefs de partis sans partisans.

Il voyait tout ce qu’il y avait dans ce mouvement de légèreté et de ridicule, mais il y voyait aussi un enthousiasme très vif, toujours croissant, qui réunissait toutes les classes de la société et auquel on ne pouvait refuser sa sympathie.

Le massacre des coreligionnaires, des frères slaves, avait suscité de la sympathie pour les victimes et de l’indignation envers les oppresseurs ; l’héroïsme des Serbes et des Monténégrins, qui luttaient pour la grande cause, fit naître chez tout le peuple le désir de venir en aide à ces frères non pas seulement en paroles mais par des actes.

Il y avait pour Serge Ivanovitch un autre phénomène heureux : c’était la manifestation de l’opinion publique.

La société avait, d’une façon très nette, exprimé son désir. L’âme du peuple avait reçu son expression, comme disait Serge Ivanovitch, et plus il s’occupait de cette œuvre, plus elle lui semblait appelée à devenir considérable et à faire époque.

Il s’y consacrait tout entier et oubliait ainsi son livre. Tout son temps était maintenant employé, si bien qu’il n’arrivait pas à répondre à toutes les lettres et aux questions qu’on lui adressait.

Ayant ainsi travaillé tout le printemps et une partie de l’été, ce ne fut qu’en juillet qu’il se prépara à aller à la campagne chez son frère. Il allait