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il se rappela, jusqu’aux moindres détails, sa rencontre et sa conversation avec l’auteur de l’article.

« Ne l’ai-je point offensé alors ? » se demanda Serge Ivanovitch. Il se rappela avoir, à cette première rencontre, rectifié un mot dit par le jeune homme, un mot qui montrait son ignorance. Serge Ivanovitch eut ainsi l’explication du sens de l’article.

Après cet article, ce fut de nouveau un silence de mort sur l’ouvrage, tant dans la littérature que dans la société ; et Serge Ivanovitch voyait que son œuvre, le travail de six années, composée avec tant d’amour et d’efforts, ne laisserait aucune trace.

La situation de Serge Ivanovitch était surtout pénible, du fait qu’ayant terminé son livre, il n’avait plus l’occupation qui remplissait son temps.

Serge Ivanovitch était intelligent, instruit, sain, actif et ne savait à quoi employer son activité. Les conversations dans les salons, les assemblées, les comités, partout où on pouvait causer, occupaient une partie de son temps. Mais, habitant la ville depuis longtemps, il ne se permettait pas, comme faisait son frère inexpérimenté, quand il venait à Moscou, de donner tout son temps à ces conversations, et il lui restait encore beaucoup de loisirs et de forces intellectuelles à dépenser.

Heureusement pour lui, il eut alors pour se tirer de l’ennui que lui causait l’insuccès de son livre,