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chez votre mari. Retournez-y. Si vous avez besoin d’argent, je vous en donnerai. Combien de roubles vous faut-il ? »

Toutes les paroles cruelles qu’aurait pu dire l’homme le plus grossier, en son imagination, elle les attribuait à Vronskï et lui en voulait comme s’il les eût réellement prononcées. « N’est-ce pas hier encore qu’il protestait de son amour, lui, cet homme sincère et honnête ? Ne me suis-je pas plusieurs fois désespérée ainsi ? » se disait-elle ensuite.

Toute cette journée, sauf durant la course chez Vilson qui lui prit deux heures, elle se demanda si tout était fini, s’il n’y avait pas l’espoir d’une réconciliation, si elle devait partir tout de suite ou le revoir une fois encore.

Elle l’attendit toute la journée. Le soir, quand elle se retira dans sa chambre en donnant l’ordre de lui dire qu’elle avait mal à la tête, elle se disait : « S’il vient malgré les paroles de la femme de chambre, c’est qu’il m’aime encore ; sinon, tout est terminé, et je verrai ce qu’il me reste à faire. »

Le soir, elle entendit le bruit de sa voiture qui s’arrêtait, son coup de sonnette, ses pas, sa conversation avec la femme de chambre.

Il crut ce qu’on lui disait, ne voulut rien savoir de plus et rentra chez lui. Ainsi tout était terminé ; et la mort se présenta nettement à son esprit, comme l’unique moyen de faire revivre en son cœur son amour pour elle, pour le punir et remporter la