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regardant avec effroi l’expression haineuse qui couvrait son visage et surtout ses yeux cruels et terribles.

— Je veux dire… commença-t-il ; mais il s’arrêta. Je vous demande ce que vous voulez de moi ?

— Que puis-je vouloir ? Je ne puis que vouloir que vous ne m’abandonniez pas, comme vous en avez le désir, dit-elle ayant compris ce qu’il n’avait pas prononcé. Cela, je ne le veux pas ; mais c’est secondaire. Je veux l’amour, et il n’existe plus. Alors tout est fini…

Et elle se dirigea vers la porte.

— Attends ! Attends ! s’écria Vronskï sans effacer le pli de ses sourcils mais l’arrêtant par le bras. — De quoi s’agit-il ? Je dis qu’il faut ajourner le départ pour trois jours, et à cela tu réponds que je mens et ne suis pas un honnête homme.

— Oui, et je répète que l’homme qui me reproche d’avoir tout sacrifié pour moi, dit-elle se rappelant les paroles d’une querelle déjà ancienne, est pire qu’un malhonnête homme : c’est un homme sans cœur.

— Non, la patience a des bornes ! s’écria-t-il, et rapidement il abandonna sa main.

« Il me hait, c’est clair », pensa-t-elle, et en silence, sans se retourner, à pas chancelants elle sortit de la chambre.

« Il aime une autre femme, c’est ce qu’il y a de plus clair », se dit-elle en rentrant chez elle. « Je