Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol18.djvu/148

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle revint à sa place avec le livre, et l’ouvrit.

— C’est très court. Ici est indiquée la voie par laquelle s’acquiert la foi, et le bonheur supraterrestre qui avec elle remplit l’âme. Le croyant ne peut être malheureux parce qu’il n’est pas seul. Oui, vous verrez.

Elle se préparait à lire quand le valet vint annoncer madame Borozdine.

— Dites demain, à deux heures.

— Oui, continua-t-elle, en marquant du doigt la page du livre, ses beaux yeux pensifs regardant l’espace, voici comment agit la vraie religion. Vous connaissez Marie Sanine ? Vous savez son malheur ? Elle a perdu son unique enfant. Elle était au désespoir. Et puis ? Elle a trouvé cet ami, et maintenant elle remercie Dieu de la mort de son enfant ! Voilà le bonheur que donne la foi.

— Oh ! oui, c’est… commença Stépan Arkadiévitch, comptant avoir le temps de se ressaisir. « Non, évidemment, mieux vaut ne rien demander aujourd’hui », pensa-t-il. « Pourvu seulement que je sorte de là sans gaffer ! »

— Cela vous ennuiera ? dit la comtesse Lydie Ivanovna s’adressant à Landau ; vous ne comprenez pas l’anglais, mais c’est très court.

— Oh ! je comprends ! répondit Landau avec un sourire, et il ferma les yeux.

Alexis Alexandrovitch et Lydie Ivanovna échangèrent un regard important, puis la lecture commença.