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— Elle s’en remet entièrement à ta magnanimité… Elle ne te demande qu’une chose : la tirer de cette situation intolérable où elle se trouve. Maintenant elle ne te réclame plus son fils. Alexis Alexandrovitch, tu es bon… entre pour un moment dans sa situation. Le divorce est désormais pour elle une question de vie ou de mort. Si tu n’avais pas promis autrefois, elle se serait faite à cette situation, elle serait restée à la campagne… Mais tu as promis… elle t’a écrit puis est venue habiter Moscou. Et là, à Moscou, où chaque rencontre est pour elle un coup de couteau au cœur, elle vit depuis six mois, attendant chaque jour ta décision. C’est la même chose que de tenir un condamné à mort des mois entiers le nœud au cou, en lui promettant peut-être la mort, peut-être la grâce… Aie pitié d’elle, et après je me porte garant d’arranger tous… vos scrupules

— Je ne parle pas de cela ! interrompit avec mépris Alexis Alexandrovitch… Mais peut-être ai-je promis ce que je n’avais pas le droit de promettre.

— Alors tu refuses ce que tu as promis ?

— Je ne refuserai jamais d’exécuter ce qui sera possible… mais je désire avoir le temps de réfléchir si ce qui est promis est possible…

— Non, Alexis Alexandrovitch ! dit en bondissant Oblonskï. Non, je ne veux pas croire cela ! Elle est aussi malheureuse qu’une femme peut l’être, et tu ne peux pas refuser…