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et lui il n’a qu’à regarder et c’est fait. Voilà ce que j’appelle savoir son métier !

— Cela viendra, lui disait Golinitchev pour le consoler ; au fond il croyait au talent de Vronskï, persuadé d’ailleurs que l’instruction élève le sentiment de l’art. Golinitchev croyait surtout au talent de Vronskï parce qu’il avait besoin de la sympathie et des louanges de celui-ci pour ses propres travaux, et sentait que les louanges et la sympathie devaient être réciproques.

Hors de son atelier, et au palazzo surtout, Mikhaïlov était un tout autre homme. Il se montrait désagréablement respectueux ; paraissant soigneux d’éviter toute intimité avec des gens qu’il n’estimait pas. Il appelait Vronskï, Excellence, et jamais, malgré les invitations d’Anna et de Vronskï, il n’accepta à dîner ni ne vint les visiter en dehors des séances.

Anna lui était particulièrement reconnaissante pour son portrait ; Vronskï le traitait avec une politesse exquise et faisait grand cas de son opinion sur ses tableaux ; Golinitchev ne laissait pas échapper l’occasion de lui inculquer des idées vraies sur l’art, mais Mikhaïlov restait également froid avec tous. Anna sentait cependant qu’il la regardait avec plaisir, mais il évitait avec elle toute conversation. Quand Vronskï lui demandait des conseils pour son travail, il se retranchait dans un mutisme obstiné ; il regardait de même sans mot dire les tableaux de