cercles et des devoirs mondains qui remplissaient
sa vie à Pétersbourg. Il ne pouvait plus songer à
ces distractions de célibataires auxquelles il avait
eu recours lors de ses précédents voyages à l’étranger ;
une seule tentative de ce genre : un souper
à une heure avancée, avec des amis, avait provoqué
chez Anna un véritable désespoir. Il lui était
interdit également d’entrer en relation avec la société
russe ou indigène en raison de leur situation.
Quant aux curiosités du pays, outre qu’il les connaissait
déjà, il n’y attachait pas, en qualité de
Russe et d’homme d’esprit, l’importance excessive
d’un Anglais. Et comme un animal affamé se précipite
sur tout ce qui lui tombe sous la dent, espérant
trouver de quoi se rassasier, inconsciemment
Vronskï se jetait tantôt sur la politique, tantôt sur
les livres nouveaux, tantôt sur la peinture.
Il avait, dans sa jeunesse, montré des dispositions pour la peinture, et, ne sachant comment dépenser son argent, il s’était composé une collection de gravures. Ce fut à l’idée de peindre qu’il s’arrêta, et ce travail servit d’aliment à ses forces intellectuelles inutilisées. Il comprenait l’art, avait du goût et y joignait un don d’imitation qu’il prenait pour des facultés artistiques. Il hésita quelque temps entre la peinture historique et religieuse, le genre ou le réalisme ; enfin il se mit au travail. Tous les genres lui étaient bons, et il choisissait indifféremment l’un ou l’autre, suivant sa fantaisie ;