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il ne pouvait nullement comprendre les causes de cette animation qu’il n’approuvait pas. Ce qui lui déplaisait surtout c’était que Golinitchev, bien qu’étant un homme du meilleur monde, se mit sur la même ligne que des scribes quelconques qui l’agaçaient et le poussaient à bout. En valaient-ils la peine ?

Vronskï n’admettait pas cela ; toutefois, il sentait que Golinitchev en était malheureux et il le plaignait. Une souffrance presque maladive se peignit sur son visage mobile, assez beau, quand sans même remarquer l’entrée d’Anna, il continua d’exposer rapidement et avec chaleur ses idées.

Ayant mis son chapeau et sa pèlerine, Anna, tout en jouant nerveusement avec son ombrelle qu’elle tenait de sa jolie main, s’arrêta près de Vronskï ; celui-ci fut heureux de se soustraire au regard que Golinitchev tenait fixé sur lui, et dans un élan d’amour il regarda sa charmante amie, pleine de vie et de joie.

Golinitchev eut quelque peine à reprendre possession de lui-même ; il restait triste et sombre ; mais Anna, qui était disposée tendrement envers tout le monde (elle l’était particulièrement en ce moment), eut tôt fait de l’égayer par son humeur simple et joyeuse. Après avoir essayé plusieurs sujets de conversation elle l’amena sur le chapitre de la peinture dont il parlait en connaisseur, et elle