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de donner raison à cette jeune femme pleine de vivacité et d’énergie. Il lui sembla comprendre ce qu’elle-même ne comprenait pas : qu’elle pût être heureuse et gaie tout en ayant fait le malheur de son mari et de son fils et perdu sa réputation.

— Il est marqué dans le guide, dit Golinitchev, parlant du palais qu’avait loué Vronskï. Il s’y trouve un superbe Tintoretto de sa dernière manière.

— Faisons une chose : le temps est superbe, allons le voir encore une fois, dit Vronskï s’adressant à Anna.

— Très volontiers. Je vais mettre mon chapeau. Vous dites qu’il fait chaud ? dit-elle en s’arrêtant près de la porte et regardant Vronskï d’un air interrogateur. Et, de nouveau, de vives couleurs couvrirent son visage.

Vronskï comprit à son regard qu’elle ne savait pas dans quels rapports il était avec Golinitchev et si elle avait eu avec lui le ton qu’il fallait.

Il la regarda longuement, tendrement, et lui répondit :

— Non, pas trop.

Anna devina qu’il était satisfait d’elle, et, en lui souriant, elle sortit à pas rapides.

Les amis se regardaient avec un certain embarras. Golinitchev, qui visisiblement l’admirait, aurait voulu parler d’elle et ne savait que dire, et Vronskï le désirait et le craignait à la fois.