Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol17.djvu/58

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ah ! fit Vronskï. Eh bien ! entrons.

Et selon l’habitude propre aux Russes de dire en français ce qu’ils veulent cacher aux domestiques, il dit en français :

— Tu connais madame Karénine ? Nous voyageons ensemble. J’allais chez elle.

Et tout en parlant il examinait attentivement le visage de Golinitchev.

— Ah ! je ne savais pas, fit Golinitchev avec indifférence (Il le savait parfaitement).

— Tu es arrivé depuis longtemps ?

— Non, trois jours, répondit Vronskï en examinant toujours attentivement le visage de son camarade.

« C’est un homme bien élevé, qui voit les choses sous leur véritable jour, on peut le présenter à Anna », se dit Vronskï, comprenant l’expression du visage de Golinitchev et la cause du changement de conversation.

Depuis les trois mois que Vronskï avait passés à l’étranger avec Anna, à chaque nouvelle rencontre il s’était toujours demandé comment les nouveaux venus envisageraient ses relations avec Anna. En général, les hommes comprenaient la situation tel qu’il le fallait. Mais si on leur eût demandé le sens de cette expression, ils eussent été lui et eux bien embarrassés de répondre.

En réalité, ceux qui, pour Vronskï, comprenaient sa situation tel qu’il le fallait, n’y comprenaient