Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol17.djvu/57

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prendre que Golinitchev, très intelligent, s’adonnait à une activité libérale quelconque, et à cause de cela, méprisait la carrière militaire ; en conséquence, il l’avait traité avec cette hauteur, cette froideur qui chez lui voulait dire : « Que ma façon de vivre vous plaise ou non, je m’en moque. Si vous voulez me connaître, commencez par me respecter. » Golinitchev était resté très indifférent à cet accueil, qui cependant ne lui avait pas donné le désir de le revoir.

Et cependant ce fut avec un cri de joie qu’ils se reconnurent. Vronskï n’aurait jamais cru éprouver une joie si vive en raison de cette rencontre, mais peut-être ne se rendait-il pas compte lui-même de l’ennui qu’il éprouvait ; et, oubliant l’impression désagréable de leur dernière rencontre, ce fut avec un visage joyeux qu’il tendit la main à son ancien camarade. La même expression de joie succéda bientôt à l’expression d’inquiétude qui avait tout d’abord paru sur le visage de Golinitchev.

— Comme je suis heureux de te rencontrer ? dit Vronskï avec un sourire qui découvrit ses fortes dents blanches.

— Oui ! J’ai entendu prononcer le nom de Vronskï, mais j’ignorais lequel c’était. Je suis très très heureux.

— Mais entre donc chez moi. Eh bien ! que fais-tu ?

— Moi ? J’habite ici depuis deux ans. Je travaille.